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A Ousmane Sonko d’éviter une tragique répétition de l’histoire (Par Madiambal Diagne)

Juge Mamadou Seck, en charge de l’instruction du dossier de l’affaire d’abus sexuels présumés de Ousmane Sonko sur la dame Adji Sarr, a convoqué, pour ce matin, le député mis en cause, après que l’Assemblée nationale a fini de lever son immunité parlementaire. Ousmane Sonko avait refusé de déférer à une convocation, aux fins d’audition, que lui avait servie la gendarmerie chargée de l’enquête préliminaire. Il considérait que la convocation était illégale, tant que son immunité parlementaire n’était pas levée, oubliant qu’il ne pouvait opposer cette immunité parlementaire aux enquêteurs, si ces derniers n’avaient pas cherché à l’entendre. Il reste qu’aussitôt l’immunité parlementaire dont il excipait était levée par des pairs députés vendredi dernier, Ousmane Sonko continuait de chercher à s’en prévaloir, estimant que la procédure suivie à cette fin serait irrégulière. Il continuait alors de jurer sur tous les dieux qu’il ne répondrait pas à la convocation du juge d’instruction. On verra bien s’il restera toujours sur cette ligne de défiance, mais le cas échéant, il ne laisserait pas un autre choix à la force publique que d’aller le cueillir et de le présenter manu militari au juge. En effet, on ne voit pas les autorités de l’Etat laisser s’installer un grave précédent qu’un citoyen sénégalais, justiciable, puisse défier impunément les institutions publiques. Avant Ousmane Sonko, des leaders politiques ou sociaux, d’aussi grande envergure, tout en contestant les procédures intentées contre eux devant la justice, s’étaient résignés à répondre à la convocation de la justice. La liste est longue et ne saurait être exhaustive. Les Abdoulaye Wade, Macky Sall, Idrissa Seck, Karim Wade, Khalifa Sall, Landing Savané, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, Cheikh Anta Diop, Iba Der Thiam, Malick Gakou, Moustapha Niasse, Abdoulaye Baldé, Cheikh Béthio Thioune, Serigne Moustapha Sy, Papa Malick Sy, Cheikh Ahmed Tidiane Sy al Makhtoum, entre autres, avaient déféré, en des circonstances différentes, aux convocations à eux servies dans le cadre d’enquêtes judiciaires. On ne peut pas ne pas relever que dans le cadre des multiples procédures judiciaires connexes à cette affaire opposant Ousmane Sonko à Adji Sarr, de nombreux responsables du parti Pastef continuent de déférer aux convocations des enquêteurs. Qui est alors Ousmane Sonko pour refuser ce que tous les autres Sénégalais acceptent tous les jours ?

Le précédent tragique de la fin de Khadim Bousso
On connaît cette pensée de Karl Marx dans l’ouvrage sur Le Dix-huit brumaire de Napoléon Bonaparte : «Hegel fait remarquer quelque part que dans l’histoire universelle, les grands faits et les grands personnages se produisent, pour ainsi dire, deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde comme farce.» Le refus (déjà annoncé par lui-même) de Ousmane Sonko de répondre au juge ne laissera pas le choix à ce dernier que de requérir la force publique pour aller le chercher. Si on considère la détermination de Ousmane Sonko qui, depuis le déclenchement de cette affaire et dans diverses déclarations, exhorte ses partisans à donner leur vie pour le sauver de se présenter devant la justice, on peut craindre que Ousmane Sonko ne serait pas aussi lâche ou ne donnerait pas moins de sa personne, pour ne pas tenter un baroud d’honneur en cherchant à opposer une résistance farouche et/ou armée aux forces de sécurité qui se présenteraient à son domicile pour l’arrêter et le conduire devant le juge. On ne voit pas cependant les Forces de l’ordre se laisser canarder par Ousmane Sonko (que l’on sait déjà détenteur d’armes à feu) ou par sa garde rapprochée (elle aussi lourdement armée), sans riposter à la hauteur des attaques subies. Les policiers ou gendarmes seraient dans une situation de légitime défense absolue. Le drame serait donc inévitable. Cela rappellerait la situation vécue, un certain 23 mai 2003, quand des éléments de la police étaient descendus à Touba pour cueillir le marabout et homme d’affaires Khadim Bousso qui s’était évadé de prison. Khadim Bousso était retrouvé mort, une balle dans la tempe. L’enquête avait conclu au suicide de l’homme qui refusait de se retrouver à nouveau en prison. Sa famille continue de contester cette thèse du suicide, accusant la police d’une bavure au cours de son intervention. Qu’à cela ne tienne, des détonations étaient entendues au moment de l’opération de police. Khadim Bousso se sentant cerné s’était-il donné la mort ou avait-il reçu une balle tirée par la police ? Il reste que sa fin avait été tragique et avait beaucoup pesé sur le climat politique et social.
Une telle situation devrait être évitée dans cette affaire Ousmane Sonko. Les forces de police qui seront appelées à aller le cueillir devront faire montre du maximum de précaution, de savoir-faire pour ne pas dire d’intelligence. Mais il appartiendra principalement à Ousmane Sonko de s’éviter le drame et surtout d’épargner sa famille de vivre une scène qui marquerait douloureusement et à jamais ses enfants et ses proches. Pour sa part, le juge Mamadou Seck a fait montre de sérénité et de pédagogie en décidant de l’envoi d’une simple convocation à Ousmane Sonko, car il aurait bien pu décerner un mandat d’amener contre le mis en cause. Il appartient dès lors à Ousmane Sonko et à lui seul de faire preuve de sagesse. Autrement, l’Etat n’aurait malheu­reusement pas le choix, d’autant qu’on sait les autorités publiques, elles aussi, assez déterminées à ne pas faire perdre la face à l’autorité de la justice et surtout à garantir la paix et la sécurité publique.

Qui se pardon­nerait une récidive de Ama­dou Clédor Sène ?
C’est dans cet esprit qu’il faudrait également lire les arrestations de Amadou Clédor Sène, Guy Marius Sagna et de Assane Diouf. Ces derniers, qui affichent leur soutien farouche à Ousmane Sonko, ont publiquement menacé l’Etat d’actions subversives et seraient pris par la police pendant qu’ils étaient en train de les préparer. D’ailleurs, des enregistrements audio ont circulé dans lesquels Amadou Clédor Sène, en conversation avec ses compères, disait sa détermination à troubler l’ordre public. Il aurait reconnu devant les enquêteurs la paternité des propos et chercherait à disculper ses deux autres co-inculpés. La presse rapporte également que Amadou Clédor Sène avait détruit son téléphone portable au moment de son arrestation pour «éviter que la police ne découvre ses complices au sein des forces de sécurité». Le geste serait véritablement puéril, car détruire le téléphone portable ne pourrait empêcher à la police de reconstituer les données d’un téléphone. Peut-être que Amadou Clédor Sène n’a pas encore évolué dans ses connaissances et stratagèmes, car la réalité technologique en matière de téléphonie de 1993, année de l’assassinat de Me Babacar Sèye, n’est plus la même en cette année 2021. Les autorités publiques ne semblent pas prendre à la légère cette nouvelle histoire Amadou Clédor Sène, d’autant que le personnage est déjà bien connu pour son caractère dangereux. Il s’y ajoute qu’on peut considérer qu’il a peut-être l’occasion de pouvoir reconstituer sa bande de 1993, car il pourrait trouver en Assane Diouf son acolyte Pape Ibrahima Diakhaté et en Guy Marius Sagna son autre acolyte Assane Diop, qui l’avaient aidé à assassiner le 15 mai 1993 le juge constitutionnel Me Babacar Sèye. Les profils des personnages se ressemblent étrangement. Aussi, les contextes de tension politique sont très ressemblants et les méthodes des acteurs politiques en cause restent les mêmes. En 1993, il y avait un leader politique du nom de Abdoulaye Wade qui haranguait ses partisans à défier l’Etat et à en découdre avec les forces de sécurité et surtout il désignait un trio de magistrats (Kéba Mbaye, Youssoupha Ndiaye et Me Babacar Sèye) qu’il présentait comme les ennemis du peuple. Kéba Mbaye démissionna de ses fonctions à la tête du Conseil constitutionnel et on saura plus tard que son fils Iba Mbaye avait été menacé par la bande à Amadou Clédor Sène qui avait pris le soin de procéder à des repérages et suivi ses déplacements quotidiens. Le domicile de Youssoupha Ndiaye sera criblé nuitamment de balles par la même bande. Me Babacar Sèye, lui, aura moins de chance, il sera abattu en rentrant de son travail. En cette année 2021, on trouve un leader politique du nom de Ousmane Sonko qui défie l’Etat et les forces publiques et désigne un trio de magistrats (Serigne Bassirou Guèye, Samba Fall et Mamadou Seck) comme des ennemis du peuple. On ne pardonnerait pas, le moins du monde, aux autorités de l’Etat la moindre mésaventure qui arriverait à ces magistrats. Il s’y ajoute la propension notée chez Amadou Clédor Sène à chercher à occuper le devant de l’actualité. C’est comme s’il cherchait coûte que coûte à refaire l’actualité autour de sa personne comme il avait tenu en haleine le pays durant de nombreuses années. Il demeure qu’on peut s’interroger sur le mobile ou l’approche des médias qui donnent régulièrement la parole à ce personnage dont le seul état de service reste le meurtre d’un juge constitutionnel. Le profil professionnel ou académique de Amadou Clédor Sène ne l’autorise pas à parler en «expert» de questions de démocratie ou d’industrie pétrolière. Sans doute qu’il faudrait du tout pour faire un monde, mais, indigné par la subite médiatisation de Amadou Clédor Sène, notre regretté confrère et ami Jean Meïssa Diop vitupérait : «Clédor Sène ne peut pas devenir une star comme ça. Il ne doit pas occuper les médias de la sorte. Cela ne respecte ni l’éthique ni la morale. Si Clédor Sène a tant à dire, il n’a qu’à nous dire qui a tué Me Babacar Sèye. Imaginez aujourd’hui la peine que doit avoir la famille de Me Babacar Sèye, en voyant tout le temps Clédor Sène à la télévision !»
Ndlr. Dans la soirée d’hier, Ousmane Sonko s’est ravisé et serait dans une nouvelle logique de répondre à la convocation du juge. Tout est alors bien qui finit bien.

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