Bradage des Biens de Senghor: Quelles leçons pour Abdou Diouf et Abdoulaye Wade ?
Ce fut d’abord son tableau fétiche qui partit aux enchères le samedi 21 janvier 2021 à Caen pour 1, 5 million d’euros avec un prix de départ de 600 000 euros.
Senghor avait acheté le tableau en 1956 à son ami peintre Pierre Soulages décédé le 25 octobre 2022.
« La première fois que je vis un tableau de Pierre Soulages, ce fut un choc. Je reçus au creux de l’estomac un coup qui me fit vaciller comme un boxeur touché qui d’un coup, s’abime. Les peintures de Soulages me rappellent les peintures, voire les sculptures négro africaines » écrit Senghor en 1958.
C’est donc ce trésor inestimable qui disparait ce 21 janvier 2021, car l’acquéreur « un acheteur européen » qui a enchéri par téléphone et la légataire « une amie de la sœur de l’épouse de Senghor » ont préféré garder l’anonymat.
Ce fut le début du pillage du patrimoine du premier président de la république du Sénégal.
En effet, la dimension universelle de Leopold Sédar Senghor, poète, écrivain, président, chantre de la Négritude confère au moindre objet lui ayant appartenu une valeur marchande indéniable surtout pour des gens dénués de tout sentimentalisme car uniquement mus par la vénalité et le lucre.
Surpris par cette première vente aux enchères, l’état du Sénégal désormais aux aguets sut réagir avec promptitude lorsque le véhicule du poète fut mis sur le marché.
Lequel véhicule devrait bientôt arriver au Sénégal, d’après Alioune Sow, le ministre de la culture et du patrimoine historique.
Cette fois ce sont 202 articles ayant appartenu à Senghor qui étaient mis aux enchères toujours à Caen ce 21 octobre 2023 : un collier en or 18 carats décerné en Egypte en 1967 lorsqu’il a été fait récipiendaire de l’Ordre du Nil, une boite gravée du nom de Valery Giscard D’Estaing, des colliers, bagues, décorations militaires… en attendant les livres de sa bibliothèque qui seront mis en vente en janvier 2024.
Le Sénégal est de nouveau intervenu avec célérité pour éviter le pillage.
« Le président de la république a eu l’information et nous a donné instruction de prendre contact avec l’ambassadeur du Sénégal à Paris pour mettre un terme à cette procédure-là. Le président de la république avait pris les mêmes dispositions pour arrêter la vente aux enchères du véhicule et nous avons presque terminé la procédure pour verser le véhicule dans le patrimoine du Sénégal. »
Macky Sall a donc décidé de sauver l’inestimable patrimoine de son illustre prédécesseur voué au bradage en France, pour le rapatrier au pays.
Il ne s’agit cependant pas d’une rétrocession comme les biens culturels spoliés durant la colonisation mais d’un achat.
« Le prix n’est pas encore arrêté, mais nous sommes dans le raisonnable et l’acceptable » renseigne le ministre de la culture et du patrimoine historique.
Il va de soi, que nul ne trouvera à redire sur cette acquisition quel que soit par ailleurs le prix à payer.
Les présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, qui à l’image de Léopold Sédar Senghor ont préféré aller vivre en France après le pouvoir devront éviter de commettre la même erreur, au risque de voir leurs legs dispersés aux quatre vents par des légataires mercantiles et cupides.
Ils doivent être convaincus sur l’absolue nécessité de rapatrier leurs biens et d’en faire don à la Nation afin qu’ils rejoignent le patrimoine national et trônent au musée des Civilisations ad vitam aeternam.
C’est aussi le meilleur moyen matériel de laisser leurs empreintes dans l’Histoire et la mémoire collective du pays qu’ils ont servi au plus haut sommet.
Serigne Mbacke Ndiaye