Éditorial : Quand la langue du politicien fourche
Biram Souleye Diop vient donc d’être déféré au parquet pour entre autres, diffamation commise par un membre de l’assemblée nationale contre un chef d’état étranger de nature à saper les relations diplomatiques de l’état et discrédit contre les institutions de la république.
Le président du Groupe parlementaire de Yewwi Askan wi se retrouve ainsi dans de sales draps après sa sortie pour le moins discourtoise sur Macky Sall et Alassane Dramane Ouattara le président Ivoirien.
Ses plates excuses après qu’il se soit rendu compte de l’énormité de ses propos n’y auront rien fait.
Les insanités de Biram Souleye Diop ne sont pourtant que les dernières ( en attendant les prochaines ) d’un long chapelet de déclarations scabreuses, insultantes, mensongères, diffamatoires ou simplement grivoises d’hommes politiques dont on est pourtant en droit d’attendre des discours policés même s’ils sont sans concession. Des dérives verbales qui reposent avec acuité la problématique du Discours politique, tant le niveau semble d’une bassesse abyssale de la part d’hommes et de femmes qui aspirent à diriger le Sénégal.
Au début était le verbe, dit l’adage.
Qui mieux que l’homme politique peut témoigner de la pertinence de cet apophtegme, lui dont la raison d’ être est de séduire, charmer et convaincre le plus de concitoyens possible afin de gagner leur confiance et incidemment leurs votes ?
Dans sa quête du pouvoir et donc de l’électorat, le contact physique, synonyme de convivialité et d’accessibilité est nécessaire. Seulement, il ne suffit pas, loin s’en faut.
Dans un pays comme le Sénégal où le programme fait rarement partie des critères qui déterminent le choix, c’est le discours qui fait la différence.
L’art de convaincre, même si on n’a pas raison.
En effet, le terrain politique est le terrain idéal d’expression de l’art oratoire ou rhétorique.
Cicéron, homme politique romain né le 03 janvier 106 avant jésus Christ et qui fut le plus célèbre orateur de son époque disait :
– Rien ne me semble plus beau que de pouvoir retenir l’attention des hommes assemblés, séduire les intelligences, entrainer les volontés à son gré, en tous sens. C’est le fait de l’art par excellence. Quoi de plus agréable pour l’esprit et l’oreille qu’un discours bien paré, embelli par la sagesse de la pensée et la noblesse de l’art oratoire.
Théodore de Gadare de renchérir:
– La rhétorique est l’art de s’exprimer sur les affaires civiles avec un certain degré de persuasion en y joignant des qualités extérieures et une prononciation convenable.
Abdoulaye Wade est en l’espèce, l’exemple par excellence du tribun.
Sa maitrise de l’art oratoire est sans commune mesure dans l’arène politique sénégalaise. Raison pour laquelle il demeure l’homme politique le plus populaire même s’il a quitté le pouvoir depuis 2012.
L’ art oratoire n’est pas un don, on ne né pas tribun, même si on peut avoir des prédispositions par sa facilité à s’exprimer. La connaissance, le savoir et la culture en sont la quintessence, l’habilité à les restituer à son auditoire le verni.
Tous les grands tribuns ( De Gaule, Kennedy, Obama) passaient des heures et des heures à peaufiner et à apprendre par cœur leurs discours.
Ecrire, réécrire, élaguer, épamprer, raboter , polir, vernir afin qu’il luit et reluit. Ainsi, même s’ils donnaient l’impression d’improviser , ces tribuns maitrisaient à merveille leurs discours qu’ils avaient travaillés en amont.
Martin Luther King écrivait ses discours avec son ami et plume l’avocat Clarence Jones. Son célèbre » I have a dream » il l’avait déjà essayé comme leitmotiv dans beaucoup de ses discours qui ont précédé celui tenu face au Mémorial Abraham Lincoln.
Il ne comptait d’ailleurs pas le reprendre ce jour-là. Mais alors qu’il se dirigeait vers le micro, son amie Mahalia Jackson lui avait murmuré à l’oreille:
– Parle-leur de ton rêve ! ce qu’il fit.
Une légende venait de naitre.
Il n’y avait donc point d’improvisation dans ce discours. Tout avait été minutieusement travaillé.
En effet, l’un des plus grands dangers pour l’homme politique, c’est l’improvisation.
Le risque de sortir le mot de trop qui peut briser une carrière ou tout au moins causer des dégâts incommensurables. Ni les excuses ou dénégations genre » les journalistes ont sorti mes propos de leur contexte » n’y pourront rien. Le mal est fait.
Certains hommes politiques l’ont d’ailleurs appris à leurs dépens.
En pleine campagne électorale, le président Abdou Diouf avait taxé de » malsaine » la jeunesse sénégalaise pendant qu’Idrissa Seck s’ était retrouvé gros jean devant en butant contre son Maka et Baka.
Des croix qu’il devront porter ad vitam eaternam .
– Tout ce qui se conçoit bien , s’énonce clairement et les mots pour le dire, viennent aisément, disait Nicolas Boileau-Despréaux.
Une conférence de presse et un discours se préparent , ils ne s’improvisent pas et à défaut, garder le silence car de tous ceux qui n’ont rien à dire, les plus intéressants sont ceux qui se taisent .
Serigne Mbacké Ndiaye